Les réseaux ORIN et ZERO-FRANCE


Des réseaux de résistance créés autour de Dives  : ORIN et ZÉRO- FRANCE

Remise de décoration en 1945
Remise de décoration en 1945

Aimable Lepeu, biologiste à Dives-sur-Mer, organise dès janvier 1941 un réseau de résistance ORIN qui regroupera une cinquantaine de membres. En octobre 1943, il rejoint Zéro-France, un réseau belge créé dans le Nord de la France en juillet 1942 et dont il est devenu chef de section pour la Normandie.

La section était organisée autour du Capitaine Aimable Lepeu et de ses lieutenants : Fernand Fanneau de Villers, Pierre Dupont de Cabourg, Francis Albert Marion de Varaville, Marc Letousey dans la Manche et Roland Spitzer qui avaient chacun en charge un secteur entre Honfleur et Cherbourg.

Le livre réalisé par le collège de la Divette en 1995 indiquait 55 noms connus dans le Calvados. Les recherches menées par l'association depuis 2023 ont récemment permis d'en identifier une centaine.

 

Orin et Zéro-France pratiquaient essentiellement le renseignement (mouvement des troupes, fortifications). Ils facilitaient l'évasion d'aviateurs anglais et l'aide aux réfractaires au STO. La section fut démantelée au printemps 44 par la gestapo.


Des recherches en cours...

Un travail important est mené en 2024 par l'association "Un fleuve pour la liberté, la Dives" sur ce réseau de résistance.  

La liste établie d'après les demandes de cartes de Combattants Volontaires de la Résistance par Jean Quellien fait état de 55 membres. La consultation des Archives Historiques de la Défense à Vincennes permet d'identifier une centaine de résistants reconnus par Zéro-France.

Au programme en octobre 2024 : une exposition, une conférence et l'inauguration d'une rue "ORIN - ZÉRO FRANCE" à Dives-sur-Mer


ORIN : un mouvement de résistance créé à Dives par Aimable Lepeu en janvier 1941

Aimable Lepeu est biologiste. Sa femme est pharmacienne sur la place du Marché à Dives-sur-Mer. Né en 1899 dans la Manche, il participe aux combats de la Grande Guerre à partir d'avril 1918. En 1939, bien que père de sept enfants, il reste sur le Front jusqu'en juin 1940.

De retour à Dives, il cherche à organiser la résistance. Il se sent trop âgé pour passer en Angleterre et ne veut pas harceler l'ennemi pour ne pas provoquer de représailles. Il décide donc de se consacrer aux renseignements et la propagande.

Il recrute parmi les petits commerçants et artisans de son entourage, les professions médicales, les agents du cadastre, les employés de mairie, les agriculteurs... Son action va de Honfleur à Veys dans la Manche.

ORIN est créé en janvier 1941. Il s'étoffera progressivement pour atteindre une centaine de membres en 1943.

Le réseau effectuait l’observation des défenses du mur de l’Atlantique, favorisait l’évasion des aviateurs britanniques et le maintien dans la clandestinité des jeunes qui souhaitaient se soustraire au STO.


À Dives-sur-Mer, la filière est essentiellement organisée autour de commerçants du centre-ville. Le réseau fabrique de fausses cartes d’identité. Monsieur et Mme Fournier, boulangers, en distribuèrent à une vingtaine de réfractaires et cachèrent deux apprentis-boulangers recherchés par les autorités occupantes. Le photographe divais, Jean Poppé, fournit les photos retouchées pour "vieillir" les jeunes réfractaires et le commissaire de police de Dives, André Bruneteau laisse la fenêtre entrouverte la nuit pour permettre l’utilisation de tampons réglementaires. Mme Cardelec, qui tenait un magasin de vélos, s’occupe de liaisons radios et fait de fréquents déplacements en région parisienne. 

 

Léon Tardy, de Grangues, vient régulièrement à Dives avec sa voiture à chevaux et fournit des papiers aux réfractaires au STO et aux aviateurs britanniques qu’il cache dans sa ferme avant de les exfiltrer, une fois munis de faux papiers d’identité. 

À Cabourg, Pierre Thieullé rejoint Lepeu lorsqu'il perd ses contacts avec le réseau Hector et Pierre Dupont est mis en contact par l'intermédiaire du docteur Moles.


Zéro-France, un réseau belge créé à Roubaix en juin 1942

Zéro-France est un réseau belge de renseignements et d’évasion créé en juin 1942 par Paul Joly, dit Caviar, de Roubaix et Gérard Kaisin, officier belge parachuté par l'Intelligence Service. Il s’est progressivement étendu en région parisienne, en Normandie et dans la région de Niort. Le réseau n’avait pas d’activités combattantes mais il pratiquait essentiellement le renseignement militaire, spécialisé dans le recueil d'informations sur les sites de mise en service de V1 et V2 avec une forte participation d'agents du Chemin de fer.

Il travaille pour les services de la Sûreté de l'Etat belge installés en Angleterre.

Louis Roussel dit Sahara rejoint Zéro-France en mai 1943 après son évasion de prison. Il est d'abord chargé du recrutement d'agents. Lorsque Paul Joly est arrêté en juillet 1943, Gérard Kaisin réorganise Zéro-France et prend la direction du réseau. Il confie à Louis Roussel le secteur Paris-Normandie et à Léon Mattelet le secteur Nord de la France. 

Zéro-France est organisé en 17 secteurs dans le Nord, 11 secteurs dépendant de Paris et un centre à Niort.

 


Octobre 1943 : Lepeu devient chef de secteur pour Zéro-France

En octobre 1943, Aimable Lepeu est mis en contact avec Louis Roussel. Le petit réseau prend une nouvelle dimension. Lepeu a réuni une quantité de documents très importants qu'il n'a pas toujours pu faire parvenir en Angleterre. 

En janvier 1944, la venue d'un opérateur radio hébergé chez différents résistants du secteur, notamment à Cabourg, chez Pierre Thieullé et Edouard Chandivert, permet au réseau de communiquer avec Londres. Il émet à partir de Varaville, de Lisieux, de Caen, mais aussi chez des agriculteurs installés dans l'arrière-pays.

Le réseau est organisé localement entre cinq chefs de sous-secteurs :

Marc Letousey dans la Manche

Albert Marion des Veys à Ouistreham

Pierre Dupont de Franceville à Dives-sur-Mer

Fernand Fanneau de Dives à Honfleur

Roland Spitzer de Caen à Lisieux

Près de deux-cents agents sont alors sous les ordres de Lepeu.

Plusieurs femmes assurent le rôle d'agents de liaison

Les agents mènent des actions de renseignement sur les défenses côtières. Alors qu'il travaille pour l'organisation Todt, Alfred Lasica relève les plans des batteries de Tournebride. Maurice Delanoé fournit des informations très précises sur les chantiers Todt où il se faisait embaucher...

Les informations qu’ils fournissent aux alliés sont extrêmement précieuses pour la préparation du Débarquement.

Début 1944, les résistants planifient déjà des actions de terrain pour le Jour J : faire taire les canons de Sarlabot ; guider les paras vers la batterie de Merville ; repêcher les égarés dans les marais…

 


Des arrestations en mars et avril 1944

 

 

Mais, au printemps, tout s’effondre !

Huit agents sont arrêtés début mars avant Lepeu. Le 24 mars, Pierre Dupont est arrêté à son domicile avec sa mère. Dans la nuit, Joseph Danlos et sa femme sont conduits à Caen pour être interrogés. Le 25 mars, c'est le tour d'Aimable Lepeu. Trois agents français de la Gestapo se présentent à 8 heures du matin à son domicile et l'emmènent. Plusieurs arrestations interviennent dans les jours suivants.

En avril, une deuxième vague d'arrestations a lieu dans tout le secteur.

Trente-deux membres du groupe sont arrêtés par la Gestapo et incarcérés. Plusieurs seront brutalisés et affreusement torturés.

Vingt-cinq sont déportés vers les atroces camps de Ravensbrück, Neuengamme, Sachsenhausen ou Bergen-Belsen, ainsi qu’à Aurigny.

Quelques-uns en réchappent : Raymond Heuzé, conduit à Deauville puis entassé avec d’autres dans un wagon en partance pour Paris, parvient à sauter du train en gare de Clichy. Il se terre ensuite à Cabourg jusqu’à la Libération. D'autres membres qui ont pu fuir se sont cachés ou ont rejoint le maquis. Yves Lécuyer participera au Débarquement en venant en aide à des soldats alliés.

Léon Tardy, Pierre Dupont, Albert Marion, Jane Louis sont restés muets sous la torture ; ils ont ainsi épargné le pire à leurs camarades. 


Des membres de Zéro France : (de gauche à droite) Aimable Lepeu de Dives, Léon Tardy de Grangues, les frères Marion de Varaville


Un hommage de Aimable Lepeu à Pierre Dupont, un des lieutenants du réseau

 

JOURNAL LE PROGRES de DIVES-CABOURG-HOULGATE

Les obsèques de Pierre Dupont ont eu lieu à Cabourg le 15 décembre 1945 en présence d’une foule nombreuse estimée à 2000 personnes. 

Discours de M. LEPEU

 

Chef de section dans l’Organisation « Zéro-France »

 

O Dupont ! Intrépide camarade de combat ! Malheureux compagnon de tortures ! Tu n’as connu la libération que pour te savoir sans foyer et tu ajoutes à la liste déjà si longue et si douloureuse des martyrs de ton réseau, des martyrs pour la France.

Abominable destin que le tien. Le boche t’a tout pris. Ton admirable mère qui te fût un constant secours, vaillante patriote, morte pour la France ; du moindre outil jusqu’au toit de l’atelier, la maison entièrement vidée, plus un meuble, plus un souvenir. Tes innombrables amis ne pouvaient combler un tel vide ; cependant, tu possédais cette inépuisable réserve de courage des âmes d’élites et tu regardais l’avenir en face, tu reconstruisais déjà. Hélas ! à toi qui étais à quinze jours de la mort par inanition lorsque les Russes te délivrèrent le 26 avril « ils » avaient pris aussi trop de vie.

 

O Dupont ! tu pars avant d’avoir reçu les remerciements de la Patrie. Toi qui, depuis longtemps, étais proposé pour la Croix de Guerre avec une citation admirable à la Division conférant l’étoile d’argent, pour la Médaille de la Résistance et un ordre élevé de Chevalerie belge, ta croix arrive aujourd’hui et tu pars sans avoir joui de cette récompense au mérite si chèrement gagnée. 

 

Plus de cent fois je t’ai demandé ta vie pour la France ; plus de cent fois tu m’as répondu : oui, avec le même calme et la même assurance que s’il s’était agi du travail quotidien, d’un dépannage de moteur. Etait-ce bravade ? Inconscience du danger ? Non, pas inconscience du danger, car plus d’une fois je me rendis à ton intelligence éclairée et réfléchie, à ton jugement sûr et ton sens pratique nous fût trop précieux. Bravade alors ? pas davantage car notre action était toujours préméditée et l’étude faite dans les moindres détails, durait souvent des semaines. Et quand par les nuits terriblement noires, pour assurer le passage du courrier des Services de renseignements alliés, venu des quatre coins de l’Europe et de plus loin encore, il fallait traverser les champs de mines, être prêts à contacter les patrouilles allemandes, à lutter contre le flair de leurs chiens, quand on estimait à 8 ou 9 sur 10 les chances de n’en pas revenir, tu concluais simplement : « Puisque ce sont les ordres…on y va. »

(...)


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Le réseau Zéro France
Un petit réseau de résistance organisé autour de Dives-Cabourg et la liste de ses 55 membres établie par Claude Doktor
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Liste des membres
Liste établie par Claude Doktor
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Discours d'Aimable Lepeu
A l'occasion des obsèques de Pierre Dupont, Aimable Lepeu, responsable du réseau ORIN/Zéro France fait une allocution reproduite dans le journal Le Progrès.
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Liste des citations des membres du réseau Zéro -France
Dans un interview donné au journal Le Progrès, le 22 décembre 1945, Aimable Lepeu donne la liste des citations attribuées aux membres du réseau
Liste des citations pour les membres du
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En 1995, le Collège de la Divette de Cabourg a édité un livret "Zéro France - Vie et mort d'un réseau de résistance à Dives-Cabourg" - Préface de Jean Quellien.