Mimi Guillam est institutrice à Dives-sur-mer, en août 1943, elle accompagne une trentaine d'enfants pour une colonie qui ne devait durer qu'un mois. A la rentrée, la municipalité lui demande de prolonger le séjour pour garder les enfants en sécurité. Elle fait donc la classe à Fierville pendant une année. Après le débarquement, fin juin 1944, les enfants seront évacués vers Chambois au plein cœur des combats. Ils sont finalement accueillis au château de Courgeoût où la Comtesse de Romanet les reçoit. Ils reviendront tous sains et saufs en octobre 1944.
De juin à fin août, 1944, ne pouvant plus échanger par courrier avec son fiancé Robert, Mimi tient un journal dans lequel elle note ses déplacements, ses impressions, ses angoisses …
Images de Claire Pion Denis
Fierville la Campagne, le mardi 6 juin 1944
« Te souviens-tu ? L’an dernier, nous avions dit : si nous restons séparés longtemps, nous tiendrons un journal, l’un pour l’autre. Séparés, nous le sommes. Pour longtemps ? Nul ne le sait. Je savais pourtant que çà viendrait ; je le sentais en moi depuis quelques jours ; mais j’ai quand même été surprise cette nuit en entendant ce roulement continuel que j’ai reconnu tout de suite. Pourquoi cette nuit et non lundi dernier ? J’aurais été soulagée de nous sentir sous le même toit, papa, maman et toi. J’aurais été délivrée du fardeau que je traîne depuis ce matin : que font-ils ? Sont-ils toujours vivants ? »
Jeudi 8 juin
Mardi, la pluie m’a arrêtée sur cette phrase revenue souvent dans ma pensée. Hier soir, je suis restée au dortoir avec les petites. Elles se sont endormies avec le sourire parce que je leur avais raconté Blanche-neige pour masquer le bruit des avions qui passaient sans arrêt. Ce soir, ce ne sont pas les avions, c’est le canon qui tonne sans arrêt, plus rapproché que ces jours derniers. Pauvre Caen ! Si tu as entendu dire au poste qu’on se battait à Caen que dois-tu penser ? Je n’ose croire ce que l’on raconte ; portant les gens qui s’enfuient parlent de cauchemar, d’enfer. Je ne peux réaliser cela : Caen disputée rue par rue, maison par maison. Trois jours que cela dure ! Là-bas, les bébés sont sans lait. Ici, le lait tourne dans les bidons qu’on ne peut emporter. Que sais-tu de cela ? Autant que nous sans doute. Si vous avez toujours un poste, que dit-il ? « Combats acharnés dans les rues de Caen ». On a parlé d’un débarquement au Havre qui aurait échoué. D’un autre à Cherbourg, Brest, Toulon. Qu’y-a-t-il de vrai dans tout cela ? J’avais le cœur gros hier soir de ne pouvoir partir à Dives comme je le devais. Qui m’en a empêchée ? Les avions qui mitraillent sans arrêt les convois sur les routes ? La crainte de trouver les routes coupées ? Tout le monde ici m’a démontré que ce serait une folie mais je regrette encore de ne pas avoir obéi à mon désir de partir. Je suis allé voir M. Lemesnager à Bray. Lui et sa femme ne savent rien. Ils m’ont conseillé d’aller à Argences voir d’autres gens de Dives. J’ai trouvé Mme Burlot arrivée mardi. Elle est encore sous le coup de la nuit de lundi qui a été là-bas un enfer. Houlgate et Cabourg sont en ruines (bel exemple d’affabulation, de multiplication, de « on-dit ») ; Sarlabot en flammes. Pourquoi ne suis-je pas là-bas ? Que vont faire mes parents s’ils ne peuvent pas partir ? Quand j’y pense je crois devenir folle. Je n’aurais pas dû écouter les autres. Tu sais bien, toi, ce que serait le sourire de maman en me voyant arriver ! Sourire mêlé de larmes bien sûr. Elle me dirait « Tu es folle ! » mais elle serait heureuse tout de même.
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"Un fleuve pour la liberté, la Dives"
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