Dans la nuit du 5 au 6 juin, les hommes du Colonel Otway, rescapés de l'assaut sur la batterie de Merville se regroupent à Amfreville. Ils y sont rejoints par les soldats du N°3 commando britannique qui ont traversé le pont de Bénouville et qui s'installent en défensive. Le commando est renforcé vers 20 heures par le N°4 Commando, composé des rescapés et des volontaires français aux ordres du commandant Philippe Kieffer.
Amfreville devient une forteresse, le point de départ des assauts vers Bréville où les Allemands se sont retranchés et où se livreront des combats extrêmement sanglants avec de nombreux duels d'artillerie particulièrement meurtriers.
En 1944, nous habitions à Franceville avec ma maman, mon beau-père, mon frère Antoine Triches et ma petite sœur Mary qui était encore très jeune. Mon beau-père qui était italien avait fait des trous où on pouvait se cacher dans le jardin derrière la maison. En juin 44, nous étions réfugiés à Amfreville chez une dame qui nous avait loué une maison. Pendant toute cette période, nous voyions les soldats partir le matin et rentrer le soir. Je me souviens qu’un jour, j’étais dehors, un soldat anglais m’a fait comprendre qu’il descendait vers les Allemands et il me fit comprendre qu’il reviendrait le soir à ce même endroit. Il était très jeune, il pleurait. Je l’ai attendu le soir, mais il n’est pas revenu … Je coupais les cheveux aux Anglais et eux, ils me donnaient à manger.
Yvonne Marion née Ménégol en 1922
Pour nous, le débarquement a commencé avant même que nous touchions le sol. Nous étions partis d’Oxford le 5 juin 1944 et quelques heures après, à 23h55 les avions nous lâchaient en voyant le canal et l’Orne, ils devaient ensuite continuer sur Caen. Nos planeurs ont touché le sol dans le champ qui est entre la ferme et les Pèlerins. En fait ce que nous devions faire alors fut bien différent de ce que nous fîmes en réalité.
Nous devions descendre la Delle, joindre les carrières et faire sauter le pont de Bénouville, Pégasus Bridge. Mais il y eut beaucoup de confusion, il faisait nuit, nous ne connaissions pas le pays, les Allemands n’étaient pas loin …
Nous nous retrouvâmes camouflés dans un bosquet d’arbres à environ 1km de Pégasus Bridge, nous y sommes restés pendant 4 jours et ce n’est qu’après que nous avons enfin rejoint les carrières. Nous étions habillés comme tu l’as vu dans tous les films : figures noircies et écharpes que nous avons remplacées ensuite par des écharpes de soie faites dans des parachutes. Nous avions 48 h de ration, donc l’ordre de ne pas faire de prisonniers autres que les officiers. Pourtant je t’assure que les Allemands ne manquaient pas, il y en avait partout, mais il s’agissait surtout de gamins qui avaient 16 ans peut-être, il y avait même des Mongols. En arrivant nous avons ramassé un Allemand, il avait 16 ans et nous l’avons renvoyé avec ses autres camarades.
Notre objectif était de faire une tête de pont pour que le reste de l’armée s’y rassemble, mais les autres ne pouvaient pas passer à Falaise et les Canadiens étaient bloqués à la Délivrande. Comme je te l’ai déjà dit, il y avait beaucoup d’Allemands, ils partaient souvent en patrouille et faisaient des bombardements de nuit. Nous partions aussi la nuit en patrouille, noircis et camouflés. J’appartenais aux Royal Engineers, on devait désamorcer des mines, mais il n’y en avait pas, aussi posait-on des asperges pour empêcher les avions d’atterrir, c’était formé de deux pièces de bois, d’un détonateur et de fils. Il n’y eut pas d’avions, mais les Allemands bombardaient Amfreville depuis deux postes de tir, au-dessus de Dives.
Fred Singleton
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