Aimable Lepeu, pharmacien à Dives-sur-Mer, était le chef de section pour la Normandie d'un petit réseau de résistance créé en 1943, à la suite du réseau ORIN dont il était responsable depuis 1941.
Le réseau ZERO-FRANCE était organisé autour du Capitaine Aimable Lepeu et de ses 4 lieutenants : Pierre Dupont et Pierre Thieulle, Fernand Fanneau et Marius Trefouel. Il comprenait 55 noms connus dans le Calvados.
Le réseau Zéro France, créé en 1942 dans le Nord de la France, était issu d'un réseau Zéro né en Belgique en 1940. La section du Calvados pratiquait essentiellement le renseignement et facilitait l'évasion d'aviateurs anglais. Elle fut démantelée au printemps 44 par la gestapo.
Le réseau Zéro France est un petit réseau d’évasion organisé par des Français dans le Nord de la France, à Roubaix, à proximité de la frontière belge. Il est issu du réseau belge, Zéro, avec qui il est resté en contact fréquent. Il s’est progressivement étendu en région parisienne et ensuite en Normandie. Le réseau n’avait pas d’activités combattantes mais il pratiquait essentiellement le renseignement. Il effectuait l’observation des défenses du mur de l’Atlantique, favorisait l’évasion des aviateurs britanniques et le maintien dans la clandestinité des jeunes qui souhaitaient se soustraire au STO.
Le réseau Dives-Cabourg est dirigé par le pharmacien de Dives, Aimable Lepeu, responsable pour le Calvados, dont l’officine Lepeu-Hamon est située Place de la République. La liste établie d'après les demandes de cartes de Combattants Volontaires de la Résistance par Jean Quellien fait état de 55 membres. Les principaux lieutenants étaient Pierre Dupont et Pierre Thieulle de Cabourg, Marius Tréfouel cheminot àDives et Fernand Fanneau de Villers-sur-Mer.
À Dives-sur-Mer, la filière est essentiellement organisée autour de commerçants du centre-ville. Le réseau fabrique de fausses cartes d’identité. Monsieur et Mme Fournier, boulangers, en distribuèrent à une vingtaine de réfractaires et cachèrent deux apprentis-boulangers recherchés par les autorités occupantes. Le photographe divais, Jean Poppé, fournit les photos retouchées pour "vieillir" les jeunes réfractaires et le commissaire de police de Dives, André Bruneteau laisse la fenêtre entrouverte la nuit pour permettre l’utilisation de tampons réglementaires. Mme Cardelec, qui tenait un magasin de vélos, s’occupe de liaisons radios et fait de fréquents déplacements en région parisienne.
Léon Tardy, de Grangues, vient régulièrement à Dives avec sa voiture à chevaux et fournit des papiers aux réfractaires au STO et aux aviateurs britanniques qu’il cache dans sa ferme avant de les exfiltrer, une fois munis de faux papiers d’identité.
Les agents de Zéro-France mènent des actions de renseignement sur les défenses côtières. Alors qu'il travaille pour l'organisation Todt, Alfred Lasica relève les plans des batteries de Tournebride. Les informations qu’ils fournissent aux Anglais sont extrêmement précieuses pour la préparation du Débarquement.
Début 1944, les résistants divais planifient déjà des actions de terrain pour le Jour J : faire taire les canons de Sarlabot ; guider les paras vers la batterie de Merville ; repêcher les égarés dans les marais…
Mais, au printemps, tout s’effondre : vingt-quatre membres du groupe, dont Lepeu, sont arrêtés par la Gestapo, incarcérés et torturés. La plupart sont déportés vers les atroces camps de Ravensbrück, Neuengamme, Sachsenhausen ou Bergen-Belsen, ainsi qu’à Aurigny. Seuls quelques-uns en réchappent : Raymond Heuzé, conduit à Deauville puis entassé avec d’autres dans un wagon en partance pour Paris, parvient à sauter du train en gare de Clichy. Il se terre ensuite à Cabourg jusqu’à la Libération. Les époux Malherbe, Simone et Léon, sont déportés tous les deux, mais leurs trois enfants, âgés de 2 à 11 ans, échappent à la rafle. Les parents reviendront vivants de l’horreur. Léon Tardy, Pierre Dupont, Albert Marion, Jane Louis sont restés muets sous la torture ; ils ont ainsi épargné le pire à leurs camarades.
Des membres de Zéro France : (de gauche à droite) Aimable Lepeu de Dives, Léon Tardy de Grangues, les frères Marion de Varaville
JOURNAL LE PROGRES de DIVES-CABOURG-HOULGATE
Les obsèques de Pierre Dupont ont eu lieu à Cabourg le 15 décembre 1945 en présence d’une foule nombreuse estimée à 2000 personnes.
Discours de M. LEPEU
Chef de section dans l’Organisation « Zéro-France »
O Dupont ! Intrépide camarade de combat ! Malheureux compagnon de tortures ! Tu n’as connu la libération que pour te savoir sans foyer et tu ajoutes à la liste déjà si longue et si douloureuse des martyrs de ton réseau, des martyrs pour la France.
Abominable destin que le tien. Le boche t’a tout pris. Ton admirable mère qui te fût un constant secours, vaillante patriote, morte pour la France ; du moindre outil jusqu’au toit de l’atelier, la maison entièrement vidée, plus un meuble, plus un souvenir. Tes innombrables amis ne pouvaient combler un tel vide ; cependant, tu possédais cette inépuisable réserve de courage des âmes d’élites et tu regardais l’avenir en face, tu reconstruisais déjà. Hélas ! à toi qui étais à quinze jours de la mort par inanition lorsque les Russes te délivrèrent le 26 avril « ils » avaient pris aussi trop de vie.
O Dupont ! tu pars avant d’avoir reçu les remerciements de la Patrie. Toi qui, depuis longtemps, étais proposé pour la Croix de Guerre avec une citation admirable à la Division conférant l’étoile d’argent, pour la Médaille de la Résistance et un ordre élevé de Chevalerie belge, ta croix arrive aujourd’hui et tu pars sans avoir joui de cette récompense au mérite si chèrement gagnée.
Plus de cent fois je t’ai demandé ta vie pour la France ; plus de cent fois tu m’as répondu : oui, avec le même calme et la même assurance que s’il s’était agi du travail quotidien, d’un dépannage de moteur. Etait-ce bravade ? Inconscience du danger ? Non, pas inconscience du danger, car plus d’une fois je me rendis à ton intelligence éclairée et réfléchie, à ton jugement sûr et ton sens pratique nous fût trop précieux. Bravade alors ? pas davantage car notre action était toujours préméditée et l’étude faite dans les moindres détails, durait souvent des semaines. Et quand par les nuits terriblement noires, pour assurer le passage du courrier des Services de renseignements alliés, venu des quatre coins de l’Europe et de plus loin encore, il fallait traverser les champs de mines, être prêts à contacter les patrouilles allemandes, à lutter contre le flair de leurs chiens, quand on estimait à 8 ou 9 sur 10 les chances de n’en pas revenir, tu concluais simplement : « Puisque ce sont les ordres…on y va. »
(...)
En 1995, le Collège de la Divette de Cabourg a édité un livret "Zéro France - Vie et mort d'un réseau de résistance à Dives-Cabourg" - Préface de Jean Quellien.
"Un fleuve pour la liberté, la Dives"
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