Le périple de la famille Christophe de Caen à Grangues - juin 1944


Marie revient à pied de Caen à Grangues avec son bébé né le 29 mai 44

« J’étais à la clinique de la Miséricorde avec ma fille Andrée, née le 29 mai 44, (le lundi de la Pentecôte), alors que les bombardiers lâchaient leur chargement de mort sur la ville, détruisant systématiquement la clinique, pourrait-on dire … Les étages des bâtiments sont tombés, il n’y avait plus de fenêtres, plus d’escalier pour sortir. Notre bâtiment était le moins touché, il y avait des flammes partout, même dans le jardin.

 

À 3 heures du matin, ne voulant pas mourir ici, écrasée dans le prochain raid de ces avions, et contre l’avis des infirmières rescapées de la Maternité, avec insistance, j’ai demandé des vêtements pour moi et ma fille que j’allaitais, ma petite Andrée. J’ai récupéré un linge pour protéger son visage de la poussière, et voyant l’incendie qui gagnait l’escalier, je me suis décidée à quitter immédiatement les ruines de cet établissement. Plus de porte à ouvrir, que des murs éventrés ! Escaladant les décombres, je suis sortie par la seule issue possible, la chapelle, où une vieille dame m’a aidée à sortir par une issue de fortune.

 

Il était alors 5h00 du matin, ce mercredi 7 juin. Débouchant rue Nationale, ma surprise a été de voir les bâtiments de la ville en état de ruines fumantes. Il n’y avait plus aucune vie apparente, plus rien, tout avait été balayé comme dans une tornade de feu, des incendies partout ! Fuyant avec mon bébé dans les bras, je n’ai pas pu passer le premier pont, écrasé par les bombes. Le second, sérieusement endommagé, permettait encore le passage d’un piéton en escaladant. J’ai mis une heure à monter la rue d’Auge avec Andrée dans les bras, passant de décombres en décombres, dans des poutres enchevêtrées, les barrages de fil de fer barbelé déchiquetés et pèle-mêle.

 

Arrivée à la Demi-lune, avant de prendre la route de Troarn et Rouen, me retournant, j’ai eu une vue panoramique et dominante sur Caen en feu, noyée dans un nuage de poussière et de fumée. La ville a été détruite à 80 %, et nous étions parmi les miraculés de ce bombardement. Continuant mon trajet, en sortant de Mondeville, au niveau de la cartoucherie, les Allemands étaient là avec un barrage de chevaux de frise [les « chevaux de frise » sont de lourdes barrières de défense anti-char formées de barres métalliques entrecroisées], des fils de fer barbelés et des sentinelles en armes interdisant tout passage. Je leur ai expliqué ma situation, Andrée dans les bras, ils m’ont ouvert la porte et laissée passer !

 

Dix minutes après, il était 8h30, je me suis arrêtée chez des gens qui ouvraient leurs contrevents au moment de mon passage. Une halte d’une demi-heure, le temps de faire boire ma petite et de reprendre un peu de forces et mes esprits. Reprenant ma route à pied, une heure après, je suis arrivée à Démouville, chez des amis, les Guillot, où j’ai séjourné pendant 8 jours. » 

(...)

 


Caen 1944


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Le périple d'André et Marie Christophe de Grangues à la Libération
Marie a accouché à Caen quelques jours seulement avant le 6 juin, elle revient à pied avec son bébé jusqu'à Grangues. André, son mari tente d'aller la chercher. Un périple qui dure près d'un mois ...
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